Aucun !
Ou s’il y en à un, je vous laisse le trouver dans l’histoire que je vais vous raconter. Il était une fois…
Le bouton qui vendra le monde
La finance, la bourse, l’argent… le métier de trader est perçu par la masse des gens comme une activité à la racine de tous les maux de la société, si ce n’est pas plus.
Un beau jour de printemps, je discutais avec un collègue de travail. Dans la vingtaine, il sortait de la fac qu’il avait abandonné pour d’obscures raisons. C’est ce que je comprenais de ses explications, c’est-à-dire pas grand-chose. Et peu importe. Il avait rejoint le service informatique de l’entreprise et avait en charge la prise en compte des demandes et problèmes informatiques des employés. Et comme souvent dans une discussion, je ne sais comment, nous en sommes arrivé à parler des problèmes sociaux et environnementaux, des abus de la finance et forcément nous en sommes venus aux « infâmes traders ».
« Quelques cliques sur un bouton et ils gagnent des millions !! Ce n’est pas un vrai métier ».
Il commençait à s’enflammer. Je sentais les émotions monter en lui, la colère et l’amertume.
À ce moment là, je m’exerçais à l’activité de trader indépendant depuis quelques années déjà. Ça je le gardais pour moi. J’avais également dû faire face à mes propres croyances, assez proche des siennes d’ailleurs. Croyances apprises. Croyances inculquées depuis ma plus tendre enfance par les médias de masse et toutes personnes de mon entourage qui répétaient ce qu’elles avaient entendu, sans penser par elles-mêmes.
Classique.
J’avais maintenant réalisé le potentiel de cette activité, fixé mes propres limites pour rester cohérent avec mes valeurs. Je m’étais rendu compte que ce métier permettait, si on s’y prenait bien, de générer des surplus (financiers et peut-être « temporels ») et de les partager.
« Partager les surplus », cette idée, je la dois à la permaculture. Et elle colle parfaitement avec mes valeurs ! Prendre soin de soi, des siens et ensuite s’occuper des autres ! (Un peu comme l’histoire du masque à oxygène, en cas de pépin, dans les avions de ligne).
Revenons-en à notre discussion.
Je lui exposais alors ma pensée : « Bah, si tu penses que c’est simple, pourquoi ne le fais-tu pas? Quelques cliques et tu pourrais utiliser une partie de l’argent que tu gagnes en bourse pour soutenir les causes qui te tiennent à cœur! »
En effet, mon collègue était très affligé par les injustices sociales, les dérives des grandes entreprises qui captaient « tout l’argent du peuple », qui l’appauvrissaient et qui polluaient la planète.
Une bulle parmi tant d’autres
Tout en buvant quelques gorgées de son litre de soda journalier et en préparant sa cigarette pour la pause… en le regardant faire cela, je venais d’avoir une idée. Si seulement plus de gens avaient le même appétit que lui, pensais-je, en zoomant sur son litre de soda et ces cigarettes, j’aurais quelques investissements long termes à effectuer pouvant me donner de forts dividendes. Tout s’enchaînait dans ma pensée : Tabac + Soda => sucre * additifs * substances toxiques => agriculture *agro-toxiques => risque de maladies => médicale * chimie => pharmaceutique => risque de mort prématuré => bois * scierie => Marbrerie …
Venais-je de comprendre les stratégies d’investissements de Warren Buffet ??? C’est à dire, regarder le monde tel qu’il est maintenant, pour ensuite en déduire un avenir probable? Mais non ! En plus là, j’étais en dehors de mes valeurs. Pas fait exprès, désolé. Parfois les idées viennent sans aucun contrôle sanitaire et paraissent ensuite stupides.
Bref, après quelques gorgées de son soda journalier, il reposa la bouteille sur la table. Le liquide jaune consommé avait laissé place à une quantité d’air encore respirable. Quelques bulles essayaient de s’échapper en luttant contre la gravité. Elles longeaient discrètement la paroi en PET et d’un petit claquement, elle disparaissaient subitement. Libérées de leur enfermement, elles avaient rejoint la surface. Venaient-elles d’échapper à leur destin ? Rester dans cette bouteille qui sera balancée, sans aucun remerciement, dans un sac poubelle avec des restes de plats moisis et bourrés d’additifs à peine toxiques? Puis finir leur vie, toujours dans cette bouteille, peut être dans l’estomac d’un cachalot ? À des milliers de kilomètres d’ici, des dizaines d’années plus tard ?
Il me répondit » je ne peux pas faire cela, je n’ai pas des millions moi… »
Je savais que pour commencer à gagner, et si l’envie se faisait sentir, à partager le fruit de ses gains, il n’était pas nécessaire de posséder « des millions ».
Irriguer et partager
« Il te suffit de commencer avec ce que tu as, pas besoin de millions ! Regarde : tu as peut-être quelques économies ? Combien possèdes-tu ? Cinq mille, dix mille euros ou peut-être plus ? »
– Bah, environ dix mille euros, me répondit-il.
– Ok alors prends-en une partie, seulement ce qui tu es prêt à investir.
– Oui, et ?
– Formes-toi et prends le temps de multiplier ce capital par deux. Je lui dis cela comme si c’était facile et évidant, de la même manière que selon lui, quelques clics suffisaient. Et ensuite, repris-je, partage tes gains et arrose les causes qui te tiennent à cœur. Associations, ONG, ta famille… c’est toi qui décide !
Il me semblait bugger…comme un programme informatique hésitant frénétiquement entre 0 et 1.
– Non, je ne vais pas faire ça !!!
– Ah? Et pourquoi pas ?
– Mais parce que c’est mal !!! Dit-il en hurlant.
Là, il venait clairement de disjoncter. Cette fois c’est moi qui buggait. Je ne comprenais pas cette soudaine monté dans les tours. Une envolée lyrique digne des moteurs V8 d’une célèbre marque automobile Allemande. D’une tonalité rauque, il était maintenant haut dans les aigus, la zone rouge venait d’être effleurée.
– Qu’est ce qui est mal ? Pourquoi c’est mal ?
– Mais parce que c’est mal! me répétât-il. Utiliser l’argent des entreprises pour spéculer, c’est mal !!
Il était à deux doigts de l’hystérie. Je préférais calmer le jeu. Un coup sur la pédale de freins et retour aux stands.
Je me rendais compte que notre niveau de réflexion n’était pas aligné. Pour moi, il me paraissait anodin de prélever un peu d’argent, à notre humble mesure, des marchés financiers, où des millions voire des milliards s’échangent chaque jours. Cet argent pourrait aider à irriguer certaines causes ou domaines touchés par la sécheresse, qu’ils soient sociaux, environnementaux ou entrepreneuriaux. Pas de Robin des bois, plutôt un cultivateur qui participe à faire pousser quelques denrées nourricières, après s’être lui-même rassasié. Cela me semblait donner du sens à cette activité : ce rêve de trader indépendant !
Or, ce jour-là, avoir le dernier mot en soutenant coûte que coûte mon hypothèse ne m’intéressait pas. Je préférais garder mon collègue en bonne santé. Soda, cigarettes et stress… ça ne le fait pas !
Le destin à fait que nous avons perdu contact. Cela peut paraître étonnant, mais je garde un bon souvenir de cette discussion ! Peut-être deviendra-il un grand cultivateur, ayant une vie remplie de sens ?